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Bilan des 23–26 novembre : Une grève générale de fait et une avant-garde nouvelle


Du 23 au 26 novembre, la Belgique a connu sa séquence de lutte de classe la plus significative depuis plus d’une décennie. Pendant quatre jours, une partie décisive de la classe travailleuse a cessé le travail et montré que, lorsqu’elle se met en mouvement, elle possède la capacité matérielle de bloquer le pays. Ces journées ont constitué une montée en puissance réelle et ont largement dépassé les autres journées d’action de 2025. Ces quatres jours ont marqué la Belgique par des centaines de piquets, une grève des transports paralysante, des services publics à l’arrêt et une grève interprofessionnelle nationale le 26 qui a stoppé le trafic aérien, ralenti les ports, fait plier des zones logistiques et commerciales entières et freiné des secteurs industriels clés. En termes d’ampleur et de blocage concret, la journée du 26 novembre a rappelé la grève générale du 15 décembre 2014, tout en s’inscrivant dans un contexte encore plus explosif, marqué par une offensive antisociale et militariste d’une ampleur inédite.



Une séquence ouverte par la reproduction sociale


La mobilisation a réellement commencé le 23 novembre avec la manifestation féministe pour la journée internationale contre les violences sexistes et sexuelles, qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes dans les rues de Bruxelles. Ce point de départ n’a rien eu d’anecdotique. La manifestation a été portée par des travailleuses des secteurs sociaux et des associations, des étudiantes, des soignantes, des enseignantes, des travailleuses de l’aide à la jeunesse. Depuis des mois, elles subissent une intensification du travail, l’explosion des files d’attente dans les crèches et les maisons médicales, le manque chronique de personnel, les coupes dans les budgets régionaux et fédéraux. Leur présence massive a donné un premier signal politique : l’austérité de l’Arizona n’a pas seulement été un choix budgétaire, elle a été une attaque directe contre les personnes en charge de la reproduction sociale, un terrain où les conditions de vie de millions de personnes se sont jouées.


Le soir même, la grève des transports a commencé et a immédiatement donné un caractère national à la séquence. À la SNCB, la circulation des trains IC a été réduite de moitié, et les trains L et S ont été supprimés ou espacés. Plusieurs dépôts du TEC, notamment dans le Hainaut et à Charleroi, ont été entièrement fermés. Dans le réseau flamand De Lijn, environ la moitié du trafic n’a pas roulé. À Bruxelles, la grève à la STIB a été particulièrement bien suivie tout au long des trois journées de grève avec des trams supprimés, plusieurs lignes de métros absentes et des bus rarissimes.

Le 24, le pays avait basculé dans un ralentissement général. Le 25, la grève a gagné les services publics : les éboueurs bruxellois ont fermé les parcs à conteneurs, la RTBF a diffusé un message de grève en boucle dès 5h, 40 % des facteurs wallons ont cessé le travail, des centaines d’écoles ont fonctionné comme garderies improvisées ou ont fermé, des services hospitaliers entiers ont tenu des piquets. À Bruxelles, les pompiers, avec un droit de grève restreint, ont mené des actions symboliques en sortant leurs véhicules et en faisant retentir les sirènes pour dénoncer le manque d’effectifs et les attaques sur les pensions.


Dans les ports, la fermeture de la centrale de navigation de Zeebrugge a obligé de nombreux ferries à rester à quai. À Anvers, l’arrêt du service acheminant les pilotes maritimes vers les navires entrants a bloqué la quasi-totalité du trafic en haute mer. Avec plus de 230 millions de tonnes de marchandises par an, le port d’Anvers-Bruges est l’un des plus stratégiques d’Europe. Les syndicats du secteur aérien avaient annoncé que le 26, aucun vol passager ne décollera de Zaventem et Charleroi avait annoncé une fermeture totale, ce qui fut exactement le cas

Le 26, enfin, la grève interprofessionnelle nationale a rassemblé le privé et le public. Les centres de distribution de Colruyt et Delhaize ont été bloqués dès 5 heures du matin, des piquets ont eu lieu dans les zones logistiques près de Gand et de Liège, dans des zoning commerciaux, dont celui de Tournai, et dans l’industrie, l’équipe du matin de l’usine Volvo à Gand n’a pas travaillé. Chez GSK, dans le Brabant wallon, le plus grand site de production de vaccins au monde, la grève a été bien suivie avec une mobilisation particulièrement forte des ouvrier.e.s et employé.e.s barémisé.e.s. Seuls les travailleur.euse.s indispensables au maintien de l’outil ont pu entrer, ce qui a entraîné l’arrêt complet des chaînes. Dans d’autres entreprises, la production a été freinée à la fois par les arrêts de travail et par les difficultés de transport qui ont empêché nombre de travailleurs et travailleuses d’atteindre leur poste. Ces exemples ne sont pas exhaustifs, mais ils donnent une idée du niveau réel de paralysie atteint pendant ces journées qui a constitué une grève générale de fait, même si le mot n’a jamais été assumé pleinement par les directions syndicales.


Bruxelles : une avant-garde féminisée et auto-organisée qui a montré le chemin


Si le mouvement a été national, Bruxelles a servi de laboratoire politique de cette séquence. Trois secteurs fortement féminisés se sont dégagés comme pôles de combativité et d’auto-organisation.

École en lutte a organisé des rassemblements, des AG, des prises de parole dans plusieurs établissements, notamment à l’institut des Arts & Métiers. Les enseignantes, les travailleuses de l’entretien, les élèves et les parents ont dénoncé à la fois le manque de personnel, la surcharge des classes et la tentative du gouvernement de militariser la jeunesse via les lettres envoyées à 149 000 jeunes de 17 ans les invitant à rejoindre l’armée “volontairement”. Ce débat a permis de lier directement les conditions de travail à l’orientation politique générale de l’Arizona : austérité d’un côté, militarisation de l’autre. Dans cette même dynamique, un piquet particulièrement significatif s’est tenu à l’ULB, où étudiant·es, personnel de nettoyage et délégation syndicale ont convergé.


Les sages-femmes et soignant·es du pôle de gynécologie-obstétrique du CHU Saint-Pierre ont tenu l’un des piquets les plus marquants de la séquence. Leur piquet, commencé dès le matin du 25, a duré 36 heures. Elles ont dénoncé les suppressions de postes, huit dans leur service, huit autres en néonatologie, l’augmentation des burnouts, l’impossibilité d’assurer un suivi décent des patientes, la baisse de l’accessibilité des soins, la réduction des lits et la marchandisation de l’hôpital public. Des affiches écrites à la main expliquaient que 60 % des personnes en invalidité sont des femmes, que les sanctions pour incapacité de travail allaient encore s’intensifier et que les missions fondamentales de la santé publique étaient directement menacées. Tout au long de la journée et de la nuit, ce piquet, rejoint par d’autres travailleurs et travailleuses de l’hôpital, a servi de point de passage à d’autres secteurs en lutte, des livreur.euse.s sans-papiers aux cheminot.e.s, en passant par des élèves et étudiant.es en colère, transformant un conflit local en lieu de convergence interprofessionnelle.


Le secteur psycho-médico-social (PMS) s’est également distingué. Dès 8 heures, environ 300 travailleuses se sont rassemblées au Petit-Château : aides familiales, psychologues, éducatrices, travailleuses de maisons médicales, personnel de crèches, puéricultrices. La plupart travaillent dans des structures qui n’ont aucune représentation syndicale. Et pourtant, elles ont tenu une AG massive, pris des décisions collectives et organisé un cortège spontané. Elles ont expliqué comment la baisse des subventions, les coupes dans les budgets d’éducation permanente, la fin de certains financements européens et la précarisation des contrats détruisent littéralement leurs métiers. Il est important de noter que cette capacité à construire un tel piquet ne s’est pas improvisée. Comme pour les sages-femmes de l’Hôpital Saint-Pierre, cela résulte de mois d’assemblées, de discussions et de structuration patiente qui construit pas à pas une véritable culture d’auto-organisation.

À ces trois secteurs centraux s’ajoute la concentration importante, au centre-ville, de travailleuses et travailleurs de la culture, un secteur particulièrement impacté par l’Arizona. Des assemblées générales organisées autour du Pôle 31 mars ont déjà rassemblé plus de 700 artistes, technicien·nes et travailleur.euses de l’éducation permanente, unissant un milieu habituellement atomisé et dominé par l’intermittence. Cette dynamique a préparé la participation de la culture aux journées de grève et a contribué à donner à la séquence une dimension plus large que les seuls bastions classiques.


Enfin, la solidarité avec la Palestine s’est articulée directement à la grève. Sur la partie commerçante de la chaussée d’Ixelles, des blocages assurés par le syndicat CNE-Commerce ont été rejoints par une mobilisation pour la Palestine. Le cortège improvisé vers Zara et McDonald’s a explicité politiquement que les milliards débloqués pour l’armée, pour l’industrie d’armement et pour les accords avec Israël sont pris directement sur les budgets sociaux, sur les salaires, sur les pensions et sur les services publics. La répression policière a été rapide pour tenter d’éviter que le blocage ne s’étende jusqu’aux boutiques de luxe de l’avenue Louise.

Le soir même, à Liège, la manifestation contre Georges-Louis Bouchez, en écho aux attaques frontales sur l'enseignement, a été dispersée avec une brutalité encore plus forte. Cette double répression n’a rien eu d’accidentel. Elle signale que l’État s’oriente vers un resserrement autoritaire et s’inscrit dans la droite ligne de la répression du cortège syndical du 14 octobre. Nous sommes en train de basculer dans une période où même les traditionnelles mobilisations syndicales les plus importantes seront de plus en plus frontalement réprimées.


Une force considérable… contenue par les directions syndicales



Face à ce mouvement, les directions syndicales ont choisi de s’en tenir strictement à la séquence annoncée. Trois jours de grève et pas un de plus. Thierry Bodson a déclaré dès le 24, alors que la grève ne venait que de commencer, qu’il n’y aurait “pas de nouvelle grève avant janvier”, montrant bien que cette décision était prise peu importe l’intensité de la mobilisation. En effet, cette annonce a été faite alors même que les piquets étaient en train de se multiplier, que des secteurs combatifs appellent à poursuivre, et que certains secteurs du rail évoquent l’idée d’une semaine de grève.


La stratégie des directions a été de contenir l’élan plutôt que de l’amplifier. Elles n’ont jamais posé de questions stratégiques pour le mouvement : que veut-on réellement ? Faire revenir l’Arizona à une « vraie concertation sociale » ? Obtenir quelques adaptations marginales du budget ? Ou mettre en cause le gouvernement lui-même, dont les mesures (limitation des allocations de chômage dans le temps, relèvement de la pension à 67 ans, saut d’index ciblé, hausse de la TVA sur des biens de première nécessité, renforcement du contrôle des malades de longue durée, coupes massives dans l’enseignement et la santé, investissement dans l’armée, durcissement des politiques d’accueil des personnes migrantes, attaque sur la liberté d’association) constituent une attaque historique contre les travailleurs et travailleuses ?


Le gouvernement a accordé quelques reculs partiels : des ajustements sur le malus pension, quelques aménagements dans le traitement des malades de longue durée. Les directions syndicales ont présenté cela comme des “premiers reculs arrachés par la lutte”. Mais ces concessions, dérisoires face aux 9,2 milliards d’économies prévues d’ici 2029, sont surtout utilisées comme prétexte pour justifier de ralentir le mouvement.

Le PTB n’a pas assumé ce débat stratégique non plus. Malgré ses 700 visites de piquets, il n’a jamais proposé de stratégie alternative, ni mis en cause la prudence des directions syndicales. Lors d’un débat public avec le patron de la FEB, Raoul Hedebouw a même déclaré qu’il ne “parlerait pas de stratégie syndicale”, confirmant ainsi la séparation artificielle entre le monde syndical et politique, et laissant le champ libre aux directions, encore largement influencées par le Parti socialiste, pour limiter l’ambition du mouvement. Ainsi, le contraste entre la force réelle du mouvement et l’absence totale de perspective proposée par les directions syndicales d’un côté et le PTB de l’autre est frappant, tout autant qu’il est problématique.


Le danger des grèves par procuration


Dans plusieurs secteurs, en particulier du rail, la discussion a porté sur la possibilité d’une semaine de grève. Cette perspective peut apparaître comme une suite logique pour certaines personnes. Mais isolée, une semaine de grève du rail pourrait constituer un piège stratégique. Une “grève par procuration” (c’est-à-dire un secteur combatif qui se battrait seul pour et à la place des autres) pourrait épuiser le secteur et l’isoler dans l’opinion. Cela permettrait aux directions de dire ensuite : “les travailleur.euses ne se mobilisent plus”.


Dans l’histoire sociale européenne, ce mécanisme a été utilisé à maintes reprises pour neutraliser des grèves générales potentielles en laissant les secteurs les plus combatifs s’épuiser seuls pour éviter l’affrontement politique global. Ce risque est réel. Une reconduction isolée d’un seul secteur ne ferait que prolonger la souffrance sans faire reculer le gouvernement.


En ce sens, une perspective à la hauteur des enjeux politiques devrait être celle d’une semaine de grève générale, préparée dans chaque secteur par des assemblées générales qui seraient en charge de décider des suites de la grève, articulée à un programme clair et assumée dans la perspective d’une grève générale reconductible contre le gouvernement Arizona. Cette option n'est malheureusement jamais posée par les directions syndicales.

L’absence d’un programme offensif empêche l’unification du mouvement


La séquence a révélé une autre faiblesse : l’absence d’un programme politique clair porté par les directions syndicales et par la principale force de gauche, le PTB. Il manquait une articulation entre les luttes sociales et un horizon politique offensif.


Pourtant, sur les piquets, dans les assemblées générales et dans les interventions publiques, les revendications offensives ont été omniprésentes : la réduction collective du temps de travail à 30 heures, la pension à 60 ans pour toutes et tous, la régularisation des travailleurs et travailleuses sans papiers, un plan massif d’investissement dans les services publics financé par une taxation des grandes fortunes, l’arrêt de la militarisation et la redirection des milliards de l’armée vers l’éducation, la santé et la petite enfance ou encore de la dénonciation du génocide qui continue en Palestine.


Ces revendications, loin d’être radicale, sont apparues comme des nécessités élémentaires du mouvement lui-même.


Une avant-garde nouvelle, un potentiel immense


La séquence du 23–26 novembre a confirmé que la classe travailleuse belge possède la capacité de bloquer l’économie et d’imposer un rapport de forces sérieux. Elle a aussi révélé une recomposition de l’avant-garde : ce sont les secteurs féminisés qui ont tenu les piquets les plus solides, posé les revendications les plus claires et donné la perspective la plus large.


La force de cette séquence a aussi résidé dans la réactivation d’embryons de coordination à la base. Par exemple, avec la relance importante de La Santé en Lutte (un collectif organisant des soignant.es et patient.es contre la marchandisation des soins de santé), mais aussi avec le Collecti.e.f 8 Maars qui à nouveau affrété un “grévibus” pour faire le tour des piquets des lieux de travail féminisés tout au long de la journée du 26, permettant de relier les secteurs entre eux et de leur apporter de la force. Ce type d’initiatives, modestes en apparence, est pourtant fondamental, parce qu’il amorce ce qui manque cruellement en termes de soutien par en bas, d’auto-organisation et de coordination entre grévistes.


Il faut ici marteler que ces secteurs ne sont pas un « thème » ou un « angle ». Ils sont un moteur stratégique du mouvement ouvrier contemporain. Leur position dans la reproduction sociale leur donne un rôle central, à la fois pour défendre leurs propres conditions de travail et pour défendre la société dans son ensemble. Leur capacité d’auto-organisation est évidente et elle a montré qu’il existe une base sociale pour construire des formes de coordination plus stables, au-delà des seules structures syndicales existantes.


Commune Colère peut jouer un rôle décisif



La séquence bruxelloise l’a montré : Commune Colère a joué un rôle d’appui important, présent sur les piquets, relayant massivement les actions, apportant de la visibilité aux différents secteurs mobilisés et assurant un soutien matériel qui a compté, notamment via les distributions de soupe populaire. Mais malheureusement CC est resté cantonné à un soutien, aussi utile soit-il. Au moment où des secteurs montrent des signes de débordement des directions syndicales, l’absence d’un lieu commun de délibération et d’un moment fédérateur s’est fait sentir.


Pour mesurer ce manque, il suffit d’imaginer ce qu’aurait pu être la journée du 26 à Bruxelles avec une manifestation unitaire appelée par Commune Colère, partant de la concentration de la culture au Mont des Arts, regroupant les secteurs les plus combatifs, suivie d’une grande assemblée générale intersectorielle pour poser, ensemble, la question de la reconduction et du rapport de forces. Une telle initiative aurait donné un tout autre visage à la journée.


Pour Rouge !, cette absence traduit un moment charnière. Commune Colère se trouve aujourd’hui à un croisement où elle peut, si elle le souhaite, assumer un rôle plus structurant dans les mobilisations. Depuis plus d’un an, CC a su rassembler largement, impulser le mot d’ordre de la grève générale reconductible à une partie du mouvement et incarner une énergie que beaucoup de travailleuses et travailleurs n’ont trouvée nulle part ailleurs. Cette légitimité, patiemment construite, pourrait devenir décisive si elle s’élargissait du soutien à la coordination stratégique. Offrir un espace où les secteurs les plus combatifs peuvent se retrouver, discuter et décider collectivement serait une avancée majeure. Faire de Commune Colère un premier embryon de coordination intersectorielle alternatif aux directions syndicales est une continuité logique et, à notre sens, la prochaine étape nécessaire.


Une responsabilité politique



La mobilisation des 23–26 novembre s’est inscrite comme une offensive majeure de notre classe, dans la brèche ouverte par la manifestation historique du 14 octobre et a montré que rien n’est stabilisé pour le gouvernement Arizona. Ce qui s’est ouvert ne se refermera que si on renonce à s’y engouffrer. La faiblesse de la séquence ne provient pas de la base. Elle vient d’en haut : à cause d’une absence de perspective de victoire, un refus d’envisager une stratégie de reconduction et une incapacité des directions à offrir une colonne vertébrale politique au mouvement.


Avec Rouge! nous pensons que la suite se joue autour de trois axes indissociables qui ont commencé à apparaître dans la lutte elle-même, mais qui doivent désormais être assumés pleinement.


Le premier axe, c’est l’auto-organisation, qui a été la marque la plus forte de cette séquence. Le rassemblement d’École en lutte, le piquet du CHU Saint-Pierre et du PMS au Petit-Château, le travail du Pôle 31 mars, le grévibus du Collecti.e.f 8 Maars et l’apport de Commune Colère : tout cela a montré qu’une avant-garde existe, qu’elle sait se coordonner et qu’elle peut créer ses propres outils indépendamment des directions syndicales.


Le deuxième axe, c’est un programme unificateur, nécessaire pour donner un horizon commun au mouvement. Les revendications qui ont émergé sur les piquets, réduction du temps de travail, diminution de l’âge de la pension, régularisation des personnes sans-papiers, plan massif pour les services publics, rupture avec la remilitarisation, ne constituent pas une addition. Elles forment un socle politique minimal permettant de rassembler les différents secteurs du mouvement ouvrier au sens large. Il faut maintenant les assumer publiquement, nationalement, comme un programme de lutte et non comme des attentes abstraites.


Le troisième axe, enfin, c’est la stratégie, le point que les directions syndicales se sont interdites d’aborder. Sans plan d’affrontement, même une mobilisation d’ampleur reste en-deçà de son potentiel. Poser la perspective d’une reconduction, définir un calendrier de montée en puissance, assumer l’idée qu’une semaine de grève générale peut faire reculer, voire faire tomber, le gouvernement Arizona, tout cela est incontournable. La stratégie ne peut plus être un tabou : c’est la clé politique du moment.



Ces trois dimensions sont les leçons les plus concrètes des 23–26 novembre. C’est maintenant que se joue la suite. Soit cette dynamique retombe sous les coups de la concertation sociale et de la démobilisation orchestrée par les appareils syndicaux, soit elle trouve une expression politique capable de poser clairement ces trois axes et d’en faire la base d’une nouvelle étape de la lutte.


Pour Rouge!, la responsabilité est de contribuer, modestement, à donner forme à cette dynamique, en assumant avec d’autres ce que les directions syndicales refusent de faire : armer notre classe d’outils d’auto-organisation, d’un programme de rupture et d’une stratégie à la hauteur. Le mouvement a montré qu’il avait la force. Il lui reste à se doter des moyens de gagner.



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